Les festivals se doublent souvent d’une partie dédiée aux professionnel-le-s (artistes et non artistes) de l’industrie musicale. On en compte plusieurs en France, parmi lesquels on peut notamment citer la Paris Electronic Week, la JIMI, les JIRAFE, le MaMA Music & Convention, le MIDEM ou encore le Crossroads Festival. Ces événements ont pour but de mettre en lumière les enjeux des « musiques actuelles », terme un tant soit peu galvaudé voulant regrouper les esthétiques musicales diffusées en radio ou en playlist et qui ne sont pas cantonnées aux grands mouvements que sont le classique et le jazz.
En tant que magazine digital – et maintenant podcast ! – qui met en avant les pans artistiques et professionnels de l’industrie musicale, on se devait de se rendre sur ces événements, afin non seulement d’en apprendre plus sur le secteur et ses problématiques de développement, mais aussi pour aller à la rencontre d’artistes et de pros qui font de cette industrie un monde en perpétuel renouvellement. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ces événements sont non seulement d’utilité professionnelle, mais aussi d’utilité publique, car ils participent à la démocratisation de pratiques artistiques et professionnelles peu connues du grand public, et notamment des artistes émergent-e-s qui souhaiteraient comprendre les rouages de l’industrie musicale.
Durant les mois de septembre, octobre et novembre, nous nous sommes rendus à 5 événements. Nous avions d’ores et déjà couvert les JIRAFE dans un précédent reportage ; place cette fois-ci à la Paris Electronic Week, au MaMA Music & Convention, au Nexum et au Crossroads Festival – quatre événements qui oeuvrent à la démocratisation de pans peu connus de l’industrie musicale – ainsi qu’à nos impressions sur ces temps passés sur le terrain.
Table des matières :
• La Paris Electronic Week : quand l’underground se mêle aux secteurs militants, institutionnels et prospectifs des musiques électroniques.
• Le MaMA Music & Convention : coup de projecteur sur les musiques actuelles de France et ses initiatives professionnelles.
• Le Nexum Festival : une première édition qui lève le voile sur les musiques et cultures électroniques dans les Hauts-de-France.
• Le Crossroads Festival : un événement à la fois local, national et international qui met en lumière l’industrie musicale émergente.
La Paris Electronic Week : quand l’underground se mêle aux secteurs militants, institutionnels et prospectifs des musiques électroniques.
Si vous nous suivez depuis longtemps sur hauméa, vous savez que les musiques électroniques nous tiennent particulièrement à coeur. Il était donc normal que l’on se rende aux rencontres professionnelles de la Paris Electronic Week, non seulement pour enregistrer des épisodes pour notre podcast « Parcours d’Indés », mais aussi et surtout pour en apprendre plus sur les enjeux des musiques électroniques actuelles qui façonnent le paysage de la nuit de demain.
La Paris Electronic Week, un événement organisé par Technopol, se déroulait du 21 au 24 septembre dans les divers lieux du parc de La Villette au Nord-Est de Paris, entre les bâtiments à l’architecture typique des années 50 du 19ème arrondissement et le quartier de Pantin. Cette année, pour les 10 ans de la Paris Electronic Week, se voyaient explorés quatre thèmes chers à Technopol : la musique, bien sûr, mais aussi l’écologie, l’inclusion et la politique, trois domaines intrinsèquement liés aux pratiques des musiques électroniques.
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Parmi les tables rondes, ateliers et débats auxquels on a pu se rendre, on a notamment pris connaissance des enjeux du développement d’un label à l’international, mais aussi la nécessité de se professionnaliser en tant qu’artiste, la difficulté qui existe derrière la signature de contrats, mais aussi les étapes et l’importance de l’activité d’édition au sein des musiques électroniques. Se retrouvaient ainsi autour de divers lieux des acteur-ice-s incontournables du milieu, allant d’artistes (comme Maelstrom) à des professionnel-le-s issus de labels (Citizen Records), mais aussi de maisons d’édition (French Flair, Scorpio Music). Le constat est clair : l’heure est au digital et les artistes tendent à se professionnaliser, ou en tout cas souhaitent le faire de plus en plus tôt. Cependant, on remarque une claire place pour l’indépendance et un certain besoin d’expérimenter par soi-même – bien que de nombreux-ses artistes restent encore seul-e-s maître-sse-s à bord lorsqu’il s’agit de manager leur projet artistique, comme le montrent les dernières études de Technopol.
Côté politique et inclusion, les débats se posent autour de l’inclusion des minorités (ethniques mais aussi LGBTQIA+). Sont ainsi représentées des structures comme Act Right – un label de qualité qui vise à rendre les espaces de fête plus safe pour les femmes & minorités de genre, et les thèmes qui sont évoqués vont de la santé mentale des personnes queers à l’évolution des événements LGBTQIA+.
Enfin, côté écologie, tous les débats et ateliers ont été soit supervisés, soit organisés par Jean-Paul Deniaud du magazine Pioche!. Les débats se centrent autour des questions qui soulèvent le plus de problèmes : celles de la mobilité des artistes et des publics, mais aussi de la place du digital (NFT, métavers, réseaux sociaux) dans nos vies de consommateur-ice-s de musiques électroniques. La question de la clause d’exclusivité a été débattue, les tournées sans avion ont été analysées de fond en comble ; côté digital, on apprend que la question des NFT n’est peut-être qu’un faux problème, et que le vrai problème vient plutôt du fait que l’on crée sans cesse de nouveaux usages qui ne tiennent pas compte de l’impact des technologies d’ores et déjà en place. Il faut savoir que le digital correspond à plus de 15% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, ce qui donne matière à réflexion quant à des usages qui sont devenus des automatismes, voire l’extension de nos métiers dans certains cas.
Ecoutez nos podcasts enregistrés pendant la Paris Electronic Week, avec Elise Nicolas de Citizen Records et Jean-Paul Deniaud de Pioche!
En somme, la Paris Electronic Week fait de son événement un réel panorama des enjeux actuels liés aux musiques électroniques, une scène qui peine encore à être représentée dans son ensemble auprès du grand public. Une remarque que l’on pourrait peut-être soulever, et ce notamment au regard de la disposition du lieu d’accueil et si l’on met en perspective la Paris Electronic Week avec le MaMA Festival ou même le Crossroads dont on parlera dans un second temps : le parc de la Villette et l’organisation même de la timetable des rencontres professionnelles – assez dense – ne laisse que peu de place aux échanges et rencontres en dehors des temps de débat et de conférence, rendant l’événement quelque peu stérile de temps à autre. On a tout de même hâte d’y retourner l’année prochaine pour suivre l’évolution de ce milieu !
Le MaMA Music & Convention : coup de projecteur sur les musiques actuelles de France et ses initiatives professionnelles.
Si l’on devait citer les conventions professionnelles qui rassemblent les pros de l’industrie musicale, la première qui vous viendrait spontanément en tête serait certainement la partie Convention du MaMA Festival, qui se nomme maintenant depuis cette année le MaMA Music & Convention. Ce festival et cycle de rencontres professionnelles annuel rassemble tous les ans à la mi-octobre plusieurs centaines d’artistes et pros autour des enjeux & tendances artistiques des musiques actuelles nationales – et pour celles & ceux qui ont déjà participé à l’événement, vous savez à quel point le MaMA est une expérience en soi !
L’événement se passe au coeur du quartier de Pigalle, au pied de la colline du Sacré-Coeur. Dans plusieurs salles de concert, comme l’Elysée Montmartre, le Trianon ou encore le FGO-Barbara, se déroulent les rencontres professionnelles, tandis que les showcases pros ainsi que les concerts ouverts au public se déroulent dans près d’une quinzaine de salles, allant de la Machine du Moulin Rouge à la Cigale en passant par le Cabaret Madame Arthur, La Boule Noire, le Bar à Bulles ou encore le NO.PI. Ainsi, la journée – entre deux mini-marathons qui vous amèneront du FGO au Trianon – vous assistez aux conférences, tables rondes et ateliers organisés par différent-e-s acteur-ice-s du secteur autour de thématiques comme les aides financières dans la musique, développer son audience en ligne ou encore les manières de développer son label indépendant. Et le soir, vous assistez à de courts showcases d’artistes qui font les scènes actuelles d’aujourd’hui, dans des esthétiques variées, allant cette année de la pop (Kalika, Poppy Fusée, Anna Majisdon…), aux musiques électroniques (Romane Santarelli, VAPA…) en passant par le rock (Astéréotypie, Grandma’s Ashes…) et des esthétiques plus hybrides relevant parfois même de la performance scénique (S8JFOU, Walter Astral…).
À propos de l’édition 2022 du MaMA Music & Convention : MaMA Music & Convention 2022 : la programmation complète a été annoncée !
Le MaMA, c’est aussi des temps de rencontres qui s’organisent au sein du Trianon et de l’Elysée Montmartre, sous forme de stands, de corners (MaMA Invent & le FabLab), mais aussi d’apéros professionnels pour les détenteur-ice-s de pass pros. Et cette année, les enjeux couverts par le MaMA montrent bel et bien une transition dans beaucoup de domaines transverses qui viennent englober plusieurs expertises métiers : ainsi, la question du digital et du Web3 s’est vue représentée ; l’écologie ainsi que l’inclusion des femmes & minorités de genre s’est vue largement mise en avant. On remarquera aussi que des domaines comme la santé mentale des artistes et/ou pros de la musique s’est vue de nouveau offerte un temps d’échange – on remercie notamment la GAM et le collectif Cura pour ses études qui reflètent chaque année l’état mental de l’industrie musicale – et un domaine qui est jusque là encore (trop) peu évoqué a été représenté le temps d’une conférence, à savoir celle de la place des artistes-mères, qui cumulent à la fois une activité artistique et/ou technique ainsi que la charge d’un, voire de plusieurs enfants.
Plus que complet, le MaMA Music & Convention continue de reprendre une formule gagnante qui rassemble un grand nombre de personnalités de l’industrie musicale, tout en donnant une place grandissante aux artistes dans ses panels. Si l’on aimerait parfois voire se renouveler certains d’entre eux, on ne peut que remercier un événement aussi reconnu et suivi dans le business de la musique de mettre en avant autant d’artistes et de professionnel-le-s indépendant-e-s.
Et bonus non négligeable, toutes les conférences du MaMA sont disponibles en podcast et en ligne – on vous conseille fortement d’écouter celle qui a été modérée par Céline Lepage, déléguée générale de la FELIN sur les trois visages du label indépendant : si vous avez besoin d’une bouffée d’air frais quant aux manières de développer son label et de l’installer dans le paysage musical sans forcément dépendre des réseaux sociaux, cette conférence est faite pour vous !
Ecoutez nos podcasts enregistrés pendant le MaMA Music & Convention, avec Romane Santarelli, et Emily Gonneau (Unicum, Nüagency, La Nouvelle Onde, Change de Disque)
Le Nexum Festival : une première édition qui lève le voile sur les musiques et cultures électroniques dans les Hauts-de-France.
Le lendemain du MaMA Music & Convention avait lieu à Lille, la capitale de la région Hauts-de-France, la première édition d’un festival auquel on a même eu l’occasion d’intervenir : le Nexum Festival. Ce festival, qui d’emblée se place dans ce monde si particulier des festivals & conventions professionnelles, place la barre haute pour son premier événement, en mettant à la fois en avant des artistes locaux pour des lives et DJ sets, et des professionnel-le-s locaux pour évoquer les enjeux des musiques électroniques locales.
L’événement avait lieu du 14 au 16 octobre 2022 – s’il a démarré sur une soirée d’inauguration le 14, les conférences, ateliers et tables rondes avaient quant à eux lieu les 15 et 16 octobre. Tout se passait au 11Ephémère, un lieu qui, comme son nom l’indique, se voulait temporaire, et qui a accueilli durant un mois un grand nombre d’événements en plein coeur du Vieux Lille.
À propos du Nexum Festival : Festival Nexum : un événement qui rassemble les artistes et pros de la sphère des musiques électroniques des Hauts-de-France
Le Nexum Festival, organisé par un label connu des scènes électroniques locales et qui n’est autre qu’Enlace Records – un label que l’on suit depuis bien avant la naissance de hauméa – a vu se produire plusieurs dizaines d’artistes, et a accueilli presque autant de professionnel-le-s. Ont été évoqués le rôle du label comme levier de communication, la place des femmes et minorités de genre sur la scène électronique, l’autoproduction artistique et le financement de son projet musical, la programmation des lieux et des festivals, et plus encore. Des institutions locales étaient elles-mêmes présentes, comme Haute Fidélité – pôle régional des musiques en Hauts-de-France – ainsi que des figures artistiques et professionnelles (Panteros666, Tout Feu Tout Femme, Live Nation…). Des ateliers de MAO ont aussi eu lieu, et ont permis aux artistes qui se rendaient sur l’événement de se rapprocher des autres artistes programmé-e-s par le Nexum.
Ce panel large et diversifié a permis le temps d’un week-end de rassembler des acteur-ice-s qui, bien qu’ils & elles se connaissent, n’ont pas forcément l’occasion de se croiser de manière aussi rapprochée et durant aussi longtemps le reste de l’année, et c’est en ce sens que l’on a eu l’occasion d’assister et de participer à un festival que l’on estime d’utilité publique. On espère fortement qu’une deuxième édition aura lieu !
Le Crossroads Festival : un événement à la fois local, national et international qui met en lumière l’industrie musicale émergente.
Pour celles & ceux qui ne le savent pas encore : hauméa a beau être né à Paris, le magazine est aujourd’hui basé à Lille, dans les Hauts-de-France. Et parmi les premiers festivals que l’on a pu couvrir, il y a le Crossroads Festival à Roubaix, événement maintenant emblématique des musiques locales et frontalières qui représente également les scènes européennes et internationales. Si l’on peut le qualifier de « mini MaMA des Hauts-de-France » pour sa forme, à savoir rencontres professionnelles la journée et showcases le soir, dans le fond, le Crossroads représente à la fois les enjeux de la scène locale, nationale et internationale, vues par les professionnel-le-s et institutions locales. Le résultat ? Un festival à taille humaine, se déroulant de nouveau cette année à la Condition Publique, et faisant office de panorama d’une scène émergente et indépendante vivante qui se renouvelle sans cesse.
Cette année, c’est près d’une trentaine d’artistes qui se sont produit-e-s sur les deux scènes qui se font face au sein de La Condition Publique. Les rencontres professionnelles ont quant à elles eues lieu dans différents lieux de la ville de Roubaix, parmi lesquels on compte l’ARA (Autour des Rythmes Actuels, une organisation roubaisienne qui accompagne artistes amateur-ice-s et émergent-e-s dans leurs pratiques musicales), mais aussi la Médiathèque de Roubaix. Le festival se déroulait cette année en novembre et sur trois jours, et marquait un « retour à la normale » après deux sessions fortement marquées par la pandémie de Covid-19.
Découvrez notre festival report de l’édition précédente : On était au Crossroads Festival du 7 au 10 septembre 2021 : retour sur les temps forts de l’événement européen !
Les rencontres professionnelles du Crossroads ont pour particularité de se dérouler en trois temps ; trois jours, donc trois axes au travers desquels sont évoqués à la fois l’émergence et le développement artistique de projets musicaux, puis leur rayonnement au niveau scénique, et enfin leur potentiel à l’export. Ainsi, le développement artistique est évoqué en trois étapes, étapes naturelles (bien qu’elles ne soient pas forcément toujours linéaires) de l’évolution d’une carrière artistique. Cela permet une approche chronologique du développement d’artiste et des enjeux liés à leurs carrières. Cette année, la délégation régionale de Pole Emploi est venue présenter les modalités d’accès au régime de l’intermittence. Les programmateur-ice-s ont aussi été représenté-e-s, ainsi que les médias pour parler de leur rôle dans la prescription culturelle (cible professionnelle peu représentée lors de tables rondes sur ce genre d’événements !). Côté international, cette année, le Canada était le pays le plus représenté – l’année dernière, c’était la Pologne qui était mise à l’honneur.
Des temps sont également consacrés au conseil artistique dans le cadre des Band Meetings – auxquels nous avons participé ! – des temps de discussion entre artistes et professionnel-le-s sélectionné-e-s par les équipes de Haute Fidélité pour les aider dans leur développement de carrière. Ainsi, le temps de 45 minutes, chaque artiste vient présenter son projet artistique et les problématiques qu’il et elle rencontre, et les professionnel-le-s sont là pour les guider dans leur parcours.
En apprendre plus sur la programmation artistique du Crossroads 2022 : Le Crossroads Festival revient pour une 7ème édition du 8 au 10 novembre à la Condition Publique de Roubaix !
Tout comme les années précédentes : le festival rencontre un véritable succès auprès des professionnel-le-s locaux – le coeur de cible et l’audience principale du Crossroads. Qui plus est, le lieu qu’est La Condition Publique est plus que propice aux rencontres et aux échanges ! Et comme pour le MaMA Music & Convention, les temps de rencontres du Crossroads sont disponibles à l’écoute en podcast sur la plateforme music-hdf.org – une plateforme pleine de ressources !
Abonnez-vous au podcast « Parcours d’Indés » pour suivre la diffusion des épisodes enregistrés pendant le Crossroads Festival !
En somme, les événements professionnels que sont la Paris Electronic Week, le MaMA ou encore le Crossroads oeuvrent à la démocratisation des pratiques culturelles locales, nationales et internationales dans des niches musicales différentes, tout en donnant la parole aux professionnel-le-s qui travaillent en coulisses pour que vivent ces diverses esthétiques musicales. D’utilité publique, ces événements, qui évoluent chaque année, attirent toujours plus de publics – en tant que média qui milite pour la diffusion des informations divulguées durant ces festivals, on encourage tout-e artiste et/ou pro à se rendre sur ces festivals pour apprendre les rouages de l’industrie musicale.
Merci à toutes les équipes de la Paris Electronic Week, du MaMA ainsi que du Crossroads pour l’accueil et pour votre confiance pour l’enregistrement de nos épisodes de podcast cette année !
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