Le nombre de streams : l’un des éléments qui fait d’un-e artiste un-e artiste renommé-e ou non. Il est difficile de se faire connaître aujourd’hui en tant qu’artiste – et ce particulièrement lorsque l’on débute ; les distributeurs, et plus particulièrement les agrégateurs, ces « distributeurs DIY » qui permettent à tout artiste de publier sa musique sur les plateformes sans devoir avoir recours à une maison de disques, ont à la fois rendu possible le démarrage d’une carrière en totale indépendance, mais ont aussi tant démultiplié le nombre de titres qui sortent sur les plateformes chaque jour qu’il est devenu extrêmement difficile de sortir du lot. Et pour ce faire, certain-e-s artistes ont recours… à l’achat de faux streams.

Le CNM – acronyme de Centre National de la Musique – un organisme public fondé en janvier 2020 qui fusionne l’Irma, le Bureau Export mais aussi le Fonds pour la Création Musicale, a révélé ces derniers jours une étude édifiante qui dresse le portrait de ce fléau qui touche les plateformes, et particulièrement Spotify. Cette étude est une première mondiale, et les chiffres, parfois alarmants, viennent notamment illustrer que les musiques rap, hip-hop et urbaines sont les plus concernées par ces faux streams. Décryptage.

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Il aura fallu 18 mois d’analyse poussée à un panel de diverses instances, rassemblant à la fois des plateformes de streaming, la Sacem, des distributeurs ou encore des syndicats et professionnel-le-s de l’industrie se sont rassemblé-e-s pour permettre l’élaboration de cette étude.

L’étude du CNM reprend les chiffres de l’année 2021 des top 10.000 Qobuz, Spotify et Deezer. Si l’on s’imagine assez facilement, comme il en existe dans d’autres domaines (notamment sur les réseaux sociaux), des robots qui streament des artistes en quête de renommée et pour booster l’algorithme, on s’imagine moins facilement quelles sont les mécanismes à l’oeuvre pour proposer ces faux miracles aux artistes. L’une des fraudes les plus fréquentes réside au sein des playlists tierces dont les abonné-e-s sont en réalité de faux comptes, ainsi que des personnes vendant leurs services à des commanditaires – que les plateformes ne peuvent identifier – pour booster leurs nombres de streams.

« Sur la base des données communiquées par Deezer, Qobuz, Spotify (avec des méthodologies de détection différentes) et un panel de distributeurs (Universal, Sony, Warner, Believe et Wagram représentant plus de 90% du top 10 000 Spotify et plus de 75% du volume de streams global réalisé sur Deezer), le rapport établit que, en France, en 2021, entre 1 et 3 milliards de streams, au moins, sont faux, soit entre 1 et 3% du total des écoutes. » – citation issue du communiqué de presse du CNM sur l’étude des faux streams.

Il existe aujourd’hui des techniques pour repérer ces pratiques, et la réponse des plateformes peut se faire de diverses manières, à la fois sous la forme de « shadow ban » (une technique qui consiste à moins mettre en avant le compte de l’artiste sur le long terme dans l’algorithme), soit en supprimant ces faux streams des statistiques, soit en ne rémunérant pas les ayants-droit, soit tout bonnement en supprimant le compte de la personne de la plateforme concernée.

Et si vous vous demandez quels genres musicaux sont touchés ? Ils le sont tous, bien qu’on retrouve une certaine prévalence de faux streams dans les musiques rap, hip-hop et urbaines… ainsi que dans les musiques d’ambiance. Pourquoi ? L’une des raisons principales se trouve certainement dans le fait que le moyen principal pour se faire connaître en tant qu’artiste rap/hip-hop/urbain-e réside dans la présence en ligne… le nombre de streams et de followers jouant donc un rôle prépondérant dans la visibilité que l’on obtiendra sur le long cours, aussi bien chez les auditeur-ice-s que chez les professionnel-le-s. La course aux streams est donc d’autant plus présente dans ces esthétiques.

Quant aux musiques d’ambiance, la fraude dans ces musiques là se retrouve surtout dans l’upload de musiques très courtes (entre 30 et 45 secondes), placées sur des playlists tierces et qui tournent en boucle, boostant mécaniquement le nombre de streams. Un morceau court atteindra en effet plus vite les chiffres escomptés qu’un morceau long, un stream étant comptabilisé après 30 secondes d’écoute sur la plupart des plateformes.

Similaire à l’étude du CNM : Spotify entend promouvoir les artistes présents sur sa plateforme… au prix d’une partie de leur royalties.

Doit-on y voir ici la « nouvelle crise » de l’industrie musicale après celle des téléchargements illégaux il y a quelques années ? Une chose est sûre, les algorithmes de plateformes de streaming contre-attaquent en améliorant leurs dispositifs de détection des faux streams et reléguant à l’arrière-plan les profils qui tenteraient de passer outre les mécanismes traditionnels de développement d’audience. On suivra cette affaire de près pendant les semaines, mois et années à venir – la part des revenus du streaming ne faisant qu’augmenter dans les revenus mondiaux de l’industrie musicale.


Plus d’informations sur l’étude du CNM sur leur communiqué de presse ainsi que sur le PDF de l’étude. Vous pouvez aussi suivre les actualités du CNM sur Instagram !

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About the Author: Cloé Gruhier

Rédactrice web depuis plusieurs années, j'ai une passion prononcée pour les musiques électroniques et alternatives. Des envolées synthétiques de Max Cooper aux mélodies et textes introspectifs de Banks, mon radar détecte les nouveautés des scènes indépendantes françaises et internationales, et ce entre deux stratégies de communication pour des labels et artistes indépendants !

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