Pour bien démarrer 2022, et pour apporter toujours plus de contenus enrichissants sur l’industrie musicale aux lecteur.ice.s du magazine, hauméa inaugure un nouveau concept pour ses reportages : les séries. La première série du nom – et dont cet article fait partie – passe en revue les divers aspects d’une partie de l’industrie musicale méconnue du grand public : celle de la distribution, autrement dit des mécanismes qui existent pour commercialiser sa musique et pour être mis.e en avant sur les plateformes de streaming en tant qu’artiste. Cette série de reportages se découpe en trois parties qui sortiront les vendredis. Ce reportage est en quelque sorte le reportage d’introduction au sujet. Rendez-vous donc vendredi prochain pour la suite !


Cela va sans dire : l’industrie musicale a connu de nombreux changements ces dernières années, et ce particulièrement depuis l’arrivée massive des plateformes de streaming sur le marché. Aujourd’hui, on n’achète (presque) plus de musique : on la consomme. Ce changement de comportement d’achat et de consommation a poussé les maisons de disques à adapter leurs stratégies de vente et de communication… et paradoxalement, la démocratisation de la commercialisation de la musique en ligne a permis aussi à des artistes de ne plus dépendre de ces labels à 100%. 

Aujourd’hui, diffuser sa musique sur les plateformes de streaming est devenu un jeu d’enfant. Des entreprises comme TuneCore, Ditto, Distrokid ou encore Spinnup ont chacune proposé des solutions simples aux artistes et à moindre frais pour leur permettre de voir leur musique diffusée sur Spotify, Deezer, Apple Music et plus encore ; du côté des maisons de disques, ce sont des entreprises de distribution comme Believe ou IDOL qui défendent les intérêts de dizaines de labels (et parfois de labels d’artistes indépendant.e.s) pour toujours mieux les diffuser, référencer et mettre en avant sur les plateformes.

Mais comment s’articule le monde de la distribution ? Quelles sont les solutions qui sont aujourd’hui accessibles aux artistes & labels qui souhaitent commercialiser leurs oeuvres ? Répondre en détail ci-dessous.

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– capture d’écran issue du site web d’IDOL, distributeur musical indépendant français

Avant tout : qu’est-ce que la distribution musicale

La distribution musicale, c’est la commercialisation d’oeuvres musicales, aussi bien en magasin qu’en ligne. Pendant longtemps – soit avant l’ère digitale – ces distributeurs n’étaient en lien qu’avec des points de ventes physiques, comme la FNAC par exemple. Avec l’avènement des « online stores » comme iTunes ou, quelques années plus tard, des plateformes de streaming comme Deezer ou Spotify pour ne citer qu’elles, la distribution a pris un tournant numérique.

C’est ainsi que des figures comme Believe, PIAS, IDOL ou encore Alter K ont pu voir leur activité se développer dans la distribution numérique – bien qu’aujourd’hui le retour du vinyle et même de la cassette a fait que la distribution physique connaît un nouvel essor chez les collectionneur.euse.s et les fans.

Avec la rapide prise de marché du numérique, un autre changement s’opère dans l’industrie musicale : celui de l’avènement du home studio, et ainsi de celui de l’artiste-entrepreneur.euse, soit de l’artiste qui ne dépend plus à 100% d’une maison de disque pour voir sa création diffusée à son audience. Avec la démocratisation des moyens d’enregistrements et de compositions – beaucoup d’artistes composent en effet sur leur ordinateur et n’ont plus besoin de louer un grand studio pour pouvoir enregistrer leur musique, limitant ainsi les frais et permettant à beaucoup plus d’artistes de composer – les artistes ne voient plus la nécessité de signer en exclusivité avec un label, et vont parfois même jusqu’à ne signer… qu’avec un distributeur, car ils et elles sont en mesure de gérer leur propre communication, ou de la déléguer à des expert.e.s.

NB : Dans le monde de la musique, il y a trois grandes catégories de contrats. Sans rentrer dans un grand niveau de détails, il y a d’un côté le contrat d’enregistrement en exclusivité, qui lie un.e artiste avec un seul label. Ce dernier en contrepartie assume 100% des risques financiers : il paie pour l’enregistrement de l’oeuvre, la communication autour du disque (voire des disques) et la distribution sur les points de ventes physiques et digitaux. L’artiste n’est cependant pas le/la propriétaire de l’enregistrement de son oeuvre, il ou elle en est seulement l’auteur et ne perçoit ainsi qu’une petite partie des droits. Vient ensuite le contrat de licence, qui permet à l’artiste de rester en possession de la majeure partie de ses droits d’enregistrement (car c’est lui ou elle qui l’a financé) et de voir le label gérer pour lui ou elle sa communication et sa distribution. Enfin, il y a le contrat de distribution, qui permet à l’artiste de gérer 100% de sa création et de sa communication et de ne déléguer que la partie diffusion à une entreprise spécialisée : le distributeur.

Mais alors, comment fonctionnent les entreprises de distribution ? Quels services proposent-elles aux artistes & aux labels ? Que font-elles au quotidien ?

Avant de répondre à cette question, il est important de faire la distinction entre deux types d’entreprises qui règnent sur le marché de la distribution musicale : le premier étant les agrégateurs, et le second les distributeurs physiques & numériques traditionnels – indépendants ou non.

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– capture d’écran du site de Spinnup, agrégateur d’Universal Music

Les agrégateurs : une solution simple d’accès et peu coûteuse pour les artistes émergent.e.s.

Si vous êtes artiste et que vous lisez ces lignes, vous connaissez certainement déjà les noms de Spinnup, TuneCore ou encore Distrokid. Si vous ne les connaissez pas : ces entreprises proposent une solution simple aux artistes, qui est de distribuer leur musique (donc de la diffuser) sur les plateformes de streaming selon des modes de paiement variés, la plupart du temps sous forme d’abonnement mensuel ou de paiement à l’oeuvre diffusée.

Contrairement aux distributeurs dont le but est de diffuser la musique de leur portefeuille d’artistes et de labels sur un maximum de territoires et donc de plateformes parfois inconnues du territoire d’origine de l’artiste, les agrégateurs ne distribuent pas sur toutes les plateformes de streaming qui peuvent exister dans le monde. Ces derniers font en effet une sélection basée sur les plateformes de streaming les plus utilisées, et certain.e.s artistes ne décident de mettre en ligne leur musique que sur Spotify, Spotify étant l’une des plateformes les plus populaires dans le monde, et l’une des plateformes sur laquelle les artistes voient le plus de développement d’audience potentiel dans le monde à long terme, sans compter qu’ils  sont connus pour la qualité de leurs playlists que beaucoup d’artistes essaient d’atteindre.

Et c’est là l’une des différences principales avec un distributeur classique : l’agrégateur ne remplit qu’une mission de diffusion de la musique sur les plateformes de streaming. Il ne fera pas d’opération de communication ou de « mise en avant » des sorties à venir auprès des éditeur.ice.s de playlists ; la musique distribuée par TuneCore ou Distrokid, deux des leaders sur le marché des agrégateurs, ne se verra pas présentée aux équipes éditoriales de Deezer, Spotify ou encore Apple Music.

Il existe cependant quelques agrégateurs qui tentent de se démarquer des autres par leur association à une autre entreprise de distribution, voire à une major : c’est le cas notamment de Spinnup, un autre agrégateur connu des artistes, qui appartient à la major Universal, et qui promet notamment de sonder la base de Spinnup pour dénicher les talents de demain et potentiellement les présenter aux directeur.ice.s artistiques des labels d’Universal. D’autres entreprises comme Wiseband ont un profil plus hybride, et proposent aussi bien des missions d’agrégation que de distribution aux artistes qui signent avec eux.

Les artistes ne pouvant diffuser leur musique par eux ou elles-mêmes aux plateformes de streaming – à l’exception des plateformes comme SoundCloud ou Audius qui fonctionnent très différemment – ces dernier.e.s font à terme le choix de passer par un distributeur traditionnel, numérique et/ou physique, pour développer leur carrière et saisir de nouvelles opportunités.

À propos d’Audius : Audius : la plateforme de streaming qui rémunère le mieux les artistes (et les auditeurs) ?

Les distributeurs : des partenaires plus difficiles d’accès… ou pas ?

Les distributeurs traditionnels, comme ceux qui font partie intégrantes des trois majors que sont Universal, Warner et Sony en France, ont une force de frappe beaucoup plus conséquente que les agrégateurs cités plus haut. En capacité de mener des opérations de vente avec des points de vente comme la FNAC – eh oui, les têtes de gondole et mises en avant dans les rayons que vous voyez lorsque vous vous baladez dans le rayon musique de la FNAC font l’objet de négociations préalables avec le pôle distribution ! – au moyen de campagnes marketing et de réseautage puissant.e.s accumulé.e.s au fil des années, les équipes de distribution des artistes signé.e.s en major sont beaucoup plus diffusé.e.s que leurs camarades indépendant.e.s… mais la tendance commence à s’inverser, ou au moins à faire jeu égal avec le monde de la musique indépendante sur le plan digital.

La sphère indépendante de la distribution musicale a grandement gagné en ampleur au fil du temps : c’est Believe notamment qui ouvra la marche en France ainsi qu’en Europe à la distribution musicale indépendante à grande échelle. Aujourd’hui, Believe distribue notamment de grandes figures du rap et de la musique électronique, et signe même des partenariats avec des distributeurs indépendants – comme Kuroneko – afin de partager ses technologies aux artistes émergent.e.s.

Le métier d’un distributeur digital est différent de celui de l’agrégateur car ils se dotent d’une équipe dédiée au marketing, à la gestion des données, et même d’une équipe de marketing qui entre en relation avec les plateformes de streaming, permettant ainsi des opérations commerciales ou des opérations de placement en playlist – les titres que vous écoutez sur Rap Caviar ou sur New Music Friday ont été sélectionnés à la main par les équipes éditoriales de Spotify, qui ont elles-mêmes été contactées par les distributeurs pour pouvoir faire leur choix.

Vous vous demandez certainement pourquoi les artistes ne passent pas tous.tes par des distributeurs traditionnels. Ces distributeurs ont pour tradition de signer généralement avec des labels, ou avec des artistes ayant accumulé un certain catalogue, un certain répertoire d’oeuvres, ou une certaine notoriété. La notion de notoriété est souvent de mise pour signer avec la plupart d’entre eux.

Distribution musicale distributeur agrégateur spinnup tunecore idol believe digital distrokid musician wiseband ditto the orchard

– logo de la société Underscope, qui vise à promouvoir les musiques électroniques dans la sphère digitale de la musique

Cependant, là aussi la tendance change : ces distributeurs signent parfois même avec des artistes en direct – comme Lomepal chez IDOL – et on voit de plus en plus d’initiatives de superstructures comme Underscope qui viennent proposer à des maisons de disques indépendantes & labels d’artistes une grande variété de services, incluant la distribution et la mise en avant sur les plateformes, pour mieux se développer au sein d’une niche – Underscope étant spécialisée dans la défense des musiques électroniques sur les plateformes de streaming, et étant en partenariat avec Believe.

À propos d’Underscope : Underscope : la plateforme qui compte structurer et défendre les acteurs des musiques électroniques

Agrégateurs d’un côté, distributeurs de l’autre : être sur les plateformes de streaming n’a jamais été aussi simple ni aussi compliqué à la fois pour les artistes émergent.e.s.

Plus le temps passe, plus un paradoxe se crée : l’industrie se diversifie et plus les frontières entre artistes et labels s’effacent, mais la frontière entre agrégateurs et distributeurs semble se renforcer. Nombre d’artistes indépendant.e.s ne savent pas toujours quand solliciter un distributeur, voire ne pensent pas pouvoir les atteindre avant d’avoir acquis une certaine notoriété… or ces mêmes artistes disent avoir besoin d’un distributeur pour aller plus loin dans leur carrière.

Ce paradoxe grandissant est sûrement né du manque d’information qui règne autour de ces distributeurs. Le métier de manager.euse ou de chef.fe de projet est beaucoup plus connu que celui de directeur de la distribution, ou même de « chargé.e de compte clé » – un métier qui signifie qu’une personne est la gérante d’un portefeuille de labels et de sa bonne représentation en ligne. Si ces métiers essentiels au développement d’une carrière artistique florissante sont peu connus, c’est parce que l’industrie musicale est une industrie qui change à grande vitesse, et la pandémie en cours ne fait d’ailleurs  qu’accentuer ces fameux changements.

C’est pourquoi cette série de reportages est née. La distribution musicale est un milieu complexe pour toute personne n’évoluant pas dans le monde de la musique, et c’est même un milieu difficile à aborder pour bon nombre d’artistes débutant aujourd’hui leur carrière. Dans la suite de cette série de reportages, nous irons parler directement avec des distributeurs qui permettent aux artistes de développer leur audience et leur présence sur les plateformes. Rendez-vous donc vendredi prochain pour une interview avec un directeur de la distribution d’un grand distributeur indépendant français !


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About the Author: Cloé Gruhier

Rédactrice web depuis plusieurs années, j'ai une passion prononcée pour les musiques électroniques et alternatives. Des envolées synthétiques de Max Cooper aux mélodies et textes introspectifs de Banks, mon radar détecte les nouveautés des scènes indépendantes françaises et internationales, et ce entre deux stratégies de communication pour des labels et artistes indépendants !

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