Les rêves, les cauchemars… une mine d’or en terme d’inspiration pour de nombreux artistes qui parfois décident de les mettre en musique. Qu’ils soient lucides, qu’ils fassent référence à une personne en particulier ou bien qu’ils content l’histoire d’un personnage fictif, les messages qui se retrouvent dans les titres qui font référence à des rêves vifs et détaillés intriguent l’auditeur. Parmi cette catégorie obscure pour ne pas dire occulte, il y a le dernier single d’une jeune artiste anglaise répondant au nom de Maya Yenn ; nommé « How Much Sadness Can You Swallow ? », ce titre qui sort demain sur toutes les plateformes de streaming fait en l’occurrence appel aux souvenirs d’un ancien cauchemar d’enfance, une histoire qu’elle raconte sur fond de pop alternative audacieuse qui n’est pas sans rappeler les débuts de Florence + The Machine. À découvrir en exclusivité avant sa sortie ci-dessous !

Faisant suite à son premier titre « tiptoe », Maya Yenn développe sur « How Much Sadness Can You Swallow ? » une ambiance à la fois plus cinématique mais aussi plus rythmée, plus pop et plus alternative. Démarrant sur sa voix au grain particulier, ce n’est qu’après quelques secondes de mise en place que la voix de Maya Yenn se dédouble, empruntant au style de production de Billie Eilish comme de Florence + The Machine. Ce contraste se poursuit à mesure que les paroles se développent – qui racontent son expérience cauchemardesque d’un lieu qui lui rappelait l’enfer – laissant la basse et les percussions qui l’entourent envelopper son auditeur.

Afin d’en savoir plus sur l’histoire qui se cache derrière ce puissant second titre, nous sommes allés poser quelques questions à Maya Yenn !

1. Hello Maya ! Merci d’avoir accepté de dévoiler en exclusivité pour nous ton prochain titre ! Pour commencer, est-ce que tu pourrais te présenter en quelques mots pour ceux qui ne te connaîtraient pas encore ?

Merci de m’avoir invitée, et bien sûr ! Je suis une artiste de musique alt-pop basée au Royaume-Uni. Je fais de la musique depuis des années, mais je n’ai eu le courage de sortir mon premier single qu’en début d’année. J’essaie essentiellement de produire de la musique pop un peu étrange et expérimentale.

2. « How Much Sadness Can You Swallow ? » est ton deuxième titre ; avant de s’attarder dessus, j’aimerais revenir sur ton tout premier single, intitulé « tiptoe ». C’est un single aussi électrique qu’apaisant, avec l’anxiété pour sujet principal. Je suppose qu’avant de sortir ce morceau, tu avais beaucoup d’autres morceaux en stock, sur ton ordinateur ou ailleurs. Qu’est-ce qui t’as poussée à choisir celui-ci pour ta première sortie de single ?

Quelques personnes ont dit que « tiptoe » les apaisait, et c’est très drôle pour moi parce que je l’ai écrit en ayant toutes mes pires peurs et angoisses à l’esprit ! Je suis contente que ce titre ait cet effet sur les gens ceci dit. C’est probablement le côté chuchoté façon ASMR qui donne cette impression. Et tu as tout à fait raison, « tiptoe » n’est pas la première chanson que j’ai écrite pour mon projet solo – celle-là n’est pas encore sortie ! Je devais sortir « tiptoe » en premier en raison de la rapidité avec laquelle il a eu du succès sur TikTok. J’ai d’abord composé un « beat effrayant » pour Halloween l’année dernière en utilisant des bruits qui provenaient de chez moi ; une porte qui grince, des brindilles qui claquent, une bougie qui s’éteint, etc. Le titre est devenu viral ; j’ai eu plus de 130 000 likes au total, et je savais que je devais battre le fer tant qu’il était chaud et sortir la chanson complète. Je suis une vraie perfectionniste et c’est quelque chose qui m’a empêchée de sortir des morceaux dans le passé, donc voir que des gens étaient intéressés par ce que je produisais m’a vraiment aidée à sauter le pas et à foncer ! Les samples originaux que j’ai partagés dans la vidéo TikTok se retrouvent aussi dans la chanson finale.

Similaire à Maya Yenn : Ophelia’s Eden dresse le portait de la naissance des sentiments amoureux sur son deuxième single « Honeymoon ».

3. Ceci étant dit, « How Much Sadness Can You Swallow ? » est très différent de « tiptoe », et je sais que tu as d’ores et déjà évoqué que ce titre a été fortement inspiré d’un cauchemar que tu as fait un jour. Est-ce que tu peux nous en dire plus à ce propos ?

Oui ! « How Much Sadness Can You Swallow ? » est inspiré d’un cauchemar que j’ai fait il y a des années à propos de l’enfer. Je ne suis pas une personne religieuse mais le concept de l’enfer m’a toujours fascinée. Dans le rêve, je me suis réveillée dans une vieille maison, et je ne pouvais pas me souvenir de qui j’étais ni pourquoi j’étais là. Puis j’ai réalisé qu’il y avait quelqu’un qui me suivait, il m’a attaquée mais j’ai réussi à le battre. Je me souviens de m’être sentie vraiment coupable. Je frappais aux portes et aux fenêtres pour essayer de m’échapper mais personne ne pouvait m’entendre et c’est à ce moment là que j’ai réalisé que j’étais en enfer, et que je revivais le même jour encore et encore et que mes souvenirs étaient effacés durant la nuit. C’était absolument terrifiant, digne d’un épisode de Black Mirror ! Je me devais d’écrire ce cauchemar ne serait-ce que pour ne plus y penser.

4. Et est-ce que tu l’as de suite retranscrit en chanson ou est-ce que tu l’as un peu modifié pour qu’il corresponde à l’énergie que tu voulais que ta chanson ait ?

Compte tenu du sujet, je voulais que l’énergie de la chanson soit maniaque et frénétique, qu’elle inspire quelque chose entre entre la menace et la fascination. Qu’elle soit à la fois extatique et intense – un peu comme ce que vous ressentez après avoir regardé « Midsommar » (2019) ou « Annihilation » (2018). Lorsque j’ai commencé à composer, j’avais d’un côté ces trois accords assez sombres et de l’autre quelques notes oscillantes assez effrayantes, je les avais composés séparément et il se trouve qu’ils s’accordaient parfaitement, donc je suis partie de là.

J’ai ensuite travaillé avec un producteur sur le titre. Je me souviens quand j’ai envoyé à Michelangelo le morceau que j’avais produit pour la première fois, il m’a demandé « A quel point es-tu attachée à la basse ? » Je lui ai dit d’y aller franchement, et il est revenu avec une basse sismique folle et tremblante ! C’était trop beau, je ne pouvais pas la mettre de côté, ça a amené mon titre a un niveau vraiment supérieur. C’est un producteur très talentueux et j’ai hâte de retravailler à ses côtés.

5. Et pour aller encore plus loin à ce propos : qu’est-ce qui t’as fait choisir ce nom, pour ton titre ?

En fait, à l’origine la chanson devait s’appeler « Brother Left Hand », d’après une réplique d’un film des années 1950 intitulé « Night of the Hunter ». C’est un film qui parle d’un révérend religieux fanatique qui travaille en secret comme tueur en série et cible les femmes afin de leur voler leur argent. Dans l’une des scènes du film, il récite ce grand discours biblique sur l’amour et la haine, les mots respectivement tatoués sur les jointures droite et gauche de ses mains. Pour une chanson sur l’enfer, j’ai pensé que c’était parfait et à l’origine, j’ai inclus un extrait du discours dans la piste. Vous pouvez regarder l’extrait de la scène sur YouTube !

Finalement, je n’ai pas réussi à obtenir l’autorisation d’utiliser l’extrait du discours dans ma chanson, et sans cet extrait, le titre « Brother Left Hand » n’avait plus beaucoup de sens. « How much sadness can you swallow before you get a stomach ache? » est l’une de mes phrases préférées dans les paroles de la chanson, elle est très révélatrice de ce que je ressentais au moment où je l’ai écrite, d’où le titre du morceau. Et je pense que je le préfère maintenant ! C’est drôle parce que c’est souvent comme ça que ça se passe.

6. « How Much Sadness Can You Swallow ? » est un morceau sur lequel tu as commencé à travailler il y a 8 ans. Qu’est-ce qui t’as poussé à le sortir, après toutes ces années ?

Maintenant que je sors enfin mes titres, je ne pouvais pas mettre cette chanson de côté plus longtemps, elle se devait d’avoir son heure de gloire. C’est une chanson très importante pour moi et l’idée de ne pas la faire écouter aux gens était trop triste ! Et après l’avoir mise de côté pendant si longtemps, elle a acquis au fil du temps de nouvelles significations, à mesure que je grandis. On peut y lire plusieurs sujets : perdre quelqu’un, l’auto-sabotage, le deuil, les nouveaux départs, l’amour de soi, le pouvoir… J’espère qu’elle aura le même effet sur les autres que sur moi.

7. Mettons tes chansons à part un instant ; je suis curieuse : qu’est-ce qui t’inspire au quotidien ? Est-ce que ton quotidien t’inspire, justement ? Est-ce que ce sont au contraire des histoires que tu as entendues qui t’inspirent ? Ou certains artistes que tu suis, plutôt ?

Tout ce que je suis en mesure d’observer et d’écouter m’inspire ! J’aime les histoires, lire des romans, regarder des films ou simplement écouter de nouvelles musiques. Il y a un côté irrésistible dans les histoires, et je trouve qu’il est plus facile d’écrire quand j’ai une bonne histoire en tête. Je pense que parce que le cauchemar que j’ai fait était si vif, « How Much Sadness Can You Swallow? » était presque facile à écrire – je n’ai pas toujours cette chance quand j’écris mes chansons, et un bon récit me servira toujours de point de départ.

8. Je sais que tu es sur le point de sortir un nouveau titre, mais que pouvons-nous espérer voir ou entendre de ta part dans les prochaines semaines, les prochains mois ? Est-ce qu’il y aura un clip pour ce titre ? Ou est-ce qu’au contraire tu travailles déjà sur d’autres titres ?

Oui, je travaille d’arrache-pied avec mon équipe en ce moment sur le clip de « How Much Sadness Can You Swallow? » ! Je suis une grande fan de cinéma contemporain d’horreur et de science-fiction, comme vous l’avez peut-être deviné, donc on est très ambitieux et on essaie de faire un clip qui rend hommage à ce cinéma – il y aura beaucoup d’effets spéciaux et beaucoup de course ! James (le directeur de la photographie et le monteur du clip) et moi l’avons tourné pendant l’été, et courir sous 30 degrés n’était pas une partie de plaisir ! Mais nous savions que ça en valait vraiment la peine, et le clip a déjà un côté très cinématographique. Et je travaille déjà sur ma prochaine sortie ! C’est une sorte de nouveau départ pour moi, et surtout un mélange de deux genres auquel vous ne vous attendez peut-être pas…

9. Enfin, il y a une question que j’aime beaucoup poser en fin d’interview : est-ce qu’il y a un.e artiste que tu suis de près en ce moment ?

Audrey Nuna, ce qu’elle fait est dingue. C’est une chanteuse et rappeuse alt-R&B coréenne-américaine et elle ne manque jamais sa cible. Je suis accro à son morceau « Blossom », il dure un peu moins de 2 minutes mais a du punch. J’ai un penchant pour le rap, j’aime à quel point il peut être ludique. Quand je me remettrai à l’écriture, j’aimerais m’inspirer davantage du R&B et d’artistes plus optimistes comme Still Woozy et Glass Animals. Mes titres sont assez sombres ces derniers temps, donc ce sera sympa d’essayer quelque chose de différent – même si je ne pense pas que vous m’entendrez  rapper de sitôt !


Maya Yenn est à retrouver sur toutes les plateformes de streaming. Vous pouvez également la suivre sur Instagram !

– disclaimer : découverte via MusoSoup #SustainableCurator

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About the Author: Cloé Gruhier

Rédactrice web depuis plusieurs années, j'ai une passion prononcée pour les musiques électroniques et alternatives. Des envolées synthétiques de Max Cooper aux mélodies et textes introspectifs de Banks, mon radar détecte les nouveautés des scènes indépendantes françaises et internationales, et ce entre deux stratégies de communication pour des labels et artistes indépendants !

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