Si l’on devait n’utiliser qu’un seul mot, ou qu’une seule phrase, peut-être, pour qualifier le premier single de Comae, on pourrait aisément dire qu’elle relève d’une sensibilité à fleur de peau qui sait traduire, tout en poésie prosaïque, les émotions torturées qui se jouent au plus profond des âmes endolories. C’est entre deux accords de piano aux allures minimalistes mais terriblement émotifs que la voix de Comae se pose, le tout pour conter, en douceur et en métaphores, l’histoire d’un événement traumatique qui est arrivé la nuit – et le tout se voit mis en scène à l’image dans un décor connu de tous-tes et qui semble hors du temps. À écouter ci-dessous de toute urgence avant sa sortie officielle le vendredi 24 mars !

Simple et d’une justesse rare, les quelques accords de piano qui ponctuent le titre et le clip vienne soutenir la voix tant émotive que puissante de Comae. Une sensibilité faussement fragile vient exprimer des événements douloureux sous des métaphores poétiques ; côté clip, c’est au cours d’une courte introduction tournée sous forme de court-métrage, que Comae, au premier plan, s’exprime de vive voix avant d’endosser son rôle d’artiste. Tourné de nuit, au format 4:3 et avec un grain caractéristique de vidéos aujourd’hui dites « vintage », Comae se balade dans les rues de Paris, de nuit, sublimant l’ambiance mélancolique de cette ballade piano-voix.

À l’occasion de cette sortie de single et de clip, nous avons profité d’un petit temps d’échange avec Comae pour en apprendre plus sur ce titre et ce qui se trame dans un futur proche.

1. Hello Comae et merci d’avoir accepté de faire cette avant première avec nous ! Pour commencer, est-ce que tu peux te présenter pour celles et ceux qui ne te connaîtraient pas encore ?

Hello et merci à vous pour cette mise en avant, je suis ravie !
Je suis Comae, une autrice-compositrice et interprète française et je sors ce vendredi 24 mars mon premier single, « La Nuit ». J’écris de la pop mélancolique, principalement en français, que j’illustre au piano et avec une multitude d’harmonies vocales.

2. Avant qu’on se penche sur ton titre et ton clip, je sais que tu as étudié la musique à Londres, et que tu comptes parmi tes influences des artistes comme Kate Bush et Polnareff – ce qui se ressent dans à la fois dans la sensibilité et dans la maîtrise de ta voix. Comment est-ce que tu as commencé à écrire et à chanter ?

Je joue du piano depuis toute petite et j’ai rapidement relié le chant à ma pratique de cet instrument. J’écrivais aussi déjà beaucoup mais dans des formats plus longs. Mon premier rêve c’était celui d’être autrice, ou en tout cas, de raconter des histoires. Je le fais encore maintenant, mais dans un format différent !

Pour l’écriture musicale à proprement parler, c’est venu en première année de licence de musique à Londres. Le 1er cours d’écriture quand toute la classe a levé la main après que le professeur ait demandé « qui écrit déjà ses chansons ? », sauf moi… je me suis mise au travail le soir même. Et puis une fois la pression du premier jet passé, c’est devenu mon premier moyen d’expression. L’écriture c’est comme un muscle que l’on doit toujours travailler. Apprendre à tirer des histoires de chaque instant, même si ça ne finit pas toujours en chanson.

« Je veux la nuit, celle qui trouble l’esprit »
– La Nuit – Comae

3. Pour ton titre « La Nuit » qui sort officiellement demain sur YouTube ainsi que sur les plateformes de streaming, tu évoques un événement douloureux ; sans forcément rentrer dans les détails si la question est indiscrète : qu’est-ce qui t’as donné envie de raconter ton histoire en chanson ?

Au delà de l’envie, c’était un besoin de sortir ce mal-être de mon cerveau. « La Nuit » c’est aussi ma première chanson en français, et je le dis souvent parce que je ne crois pas que j’aurais pu l’écrire et la chanter autrement qu’à travers ma langue maternelle. Il fallait que les mots résonnent plus fort que mes compositions précédentes et que je creuse un peu plus loin dans ma douleur.

Une fois la douleur passée, après quelques années, « La Nuit » est devenue une chanson qui me rappelle ce que j’ai traversé, ce que j’ai survécu. C’est un souvenir doux-amer d’une période sombre et la confirmation qu’elle est derrière moi.

Lorsque j’ai écrit « La Nuit », j’étais aussi dans une période où je cherchais beaucoup de récits de femmes qui auraient vécu le même événement douloureux que moi. J’avais besoin de me retrouver dans ces livres, dans ces chansons, dans ces podcasts pour savoir que je n’étais pas seule à vivre ça. J’aime l’idée que peut être cette chanson puisse faire écho pour certaines.

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4. Et ton titre est à la fois un récit personnel mais aussi une ode à un moment particulier de la journée : celui de la nuit. Quel est ton rapport avec ce moment à l’ambiance si singulière ?

Pour moi la nuit c’est une ambivalence constante et c’est ce qui ressort de cette chanson.

Personnellement j’ai l’impression que ce sont les heures de la journée qui m’appartiennent le plus. Celles où je peux, sans culpabilité aucune, me recentrer sur moi-même et écrire, faire de la musique, regarder les étoiles, prendre soin de moi.
Dans l’espace public, ce sentiment d’appartenance disparaît, en tout cas lorsqu’on est une femme, et c’est d’ailleurs ce que nous avons essayé de mettre en lumière dans le clip avec Lena Haque, la réalisatrice. Nous souhaitions porter un regard différent sur l’une des peurs les plus profondes de toutes les jeunes femmes, celle de rentrer seule le soir dans une grande ville déserte. Lorsqu’on demande aux femmes ce qu’elles feraient dans un monde sans hommes pour 24h, la réponse principale c’est : marcher seule la nuit.

5. Aussi, je voulais revenir sur ton clip : je vois qu’il est tourné dans Paris, et que l’esthétique – que Paris accentue, qui plus est – relève d’un univers vintage et daté. Pourquoi ce choix artistique ?

Ce choix peut s’expliquer de plusieurs manières.
Tout d’abord, avec Lena Haque, la réalisatrice, nous souhaitions nous inspirer des métropoles nocturnes et tourbillonnantes que l’on retrouve dans le cinéma de Wong-Kar Wai (Chungking Express, Fallen Angels) et de Nicolas Winding Refn (Drive, Only God Forgives) tout en gardant le cocon de douceur que la pellicule nous offrait.

Ensuite, l’idée était de donner corps au traumatisme que j’avais pu vivre et le représenter sous les traits d’une jeune femme qui me suit sans relâche, dans la rue et puis dans ma chambre. Nous avions envie qu’un Paris éclairé de toutes ses lumières et presque intemporel serve de décor pour contraster avec la violence sous-jacente de cette déambulation nocturne. Un peu comme la chanson qui a été arrangée de manière à offrir un écrin aux paroles.

6. J’en profite également pour évoquer ton côté engagé pour la cause féminine : tu es co-présidente d’une association, nommée Les Aliennes – est-ce que tu peux nous dire en quoi cet engagement politique et féministe impacte ta musique, ou ton projet musical au sens large ?

L’association Les Aliennes met en avant les femmes dans la culture et c’est effectivement un engagement qui m’est cher. L’équipe du clip de « La Nuit » est composée à 100% de techniciennes toutes plus douées les unes que les autres et je suis très fière d’avoir pu travailler avec elles pour ce premier projet.

J’organise aussi depuis septembre une scène ouverte au FGO Barbara et c’est un plaisir de voir en découler un réseau d’artistes féminines qui s’entraident, et s’encouragent. Cet engagement impacte ma musique parce qu’on nous apprend trop vite à s’envier les unes et les autres, surtout en musique où on entend souvent qu’il n’y a pas la place pour tout le monde. Moi j’ai décidé, et je ne suis pas la seule, que je préférai qu’on se tire toutes vers le haut !

7. Enfin, il y a toujours une question que j’aime bien poser en fin d’interview : est-ce qu’il y a un-e artiste que tu suis de près en ce moment et pourquoi ?

Argh la question la plus difficile ! J’ai longtemps hésité mais je pense que je vais dire Lizzy McAlpine.
Son deuxième album m’a énormément marquée l’année dernière et je suis encore dégoutée de l’avoir ratée à la Maroquinerie en novembre dernier. Elle a une technique vocale assez hallucinante et j’admire énormément son écriture. Dans ‘Doomsday’ elle nous embarque dans des noces funèbres aux allures de fin du monde, de quoi écrire tout un roman !


Comae sera à retrouver demain sur toutes les plateformes de streaming. En attendant, vous pouvez la suivre sur Instagram !

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About the Author: Cloé Gruhier

Rédactrice web depuis plusieurs années, j'ai une passion prononcée pour les musiques électroniques et alternatives. Des envolées synthétiques de Max Cooper aux mélodies et textes introspectifs de Banks, mon radar détecte les nouveautés des scènes indépendantes françaises et internationales, et ce entre deux stratégies de communication pour des labels et artistes indépendants !

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