Parfois, il suffit de peu pour que les émotions abondent. Il suffit parfois de quelques accords de piano savamment joués, d’une ambiance minimaliste et de grésillements feutrés pour que le coup de coeur se fasse, et c’est exactement ce qu’il se passe lorsque l’on écoute « Bewild » de Simeon Walker. Pianiste et compositeur de musique néoclassique et ambiante connu pour ses ballades électro-organiques, il a démarré une carrière en proposant à son audience l’écoute de titres minimalistes ; le temps passant, ses musiques se faisaient de plus en plus complexes… jusqu’à la rupture il y a quelques mois. De retour en terrain épuré, Simeon Walker distille les titres de son futur EP « Imprints » depuis quelques semaines ; à l’occasion de la sortie de son single « Bewild », nous en avons profité pour lui poser quelques questions !

1. Hello Simeon ! Merci d’avoir accepté de répondre à nos questions aujourd’hui ! Avant de commencer, peux-tu te présenter en quelques mots pour ceux qui ne te connaîtraient pas encore ?

Hello, merci de me recevoir, c’est super de pouvoir échanger ! Je suis pianiste et compositeur et je suis originaire de Leeds au Royaume-Uni. La plupart des gens ont tendance à décrire ma musique comme étant néoclassique – si vous aimez écouter des artistes comme Olafur Arnalds, Nils Frahm et Hania Rani, j’espère que vous aimerez écouter la mienne.

2. La série de singles que tu viens de sortir ainsi que ton prochain EP « Imprints » montrent clairement que tu opères comme un retour aux sources, et plus particulièrement à celle des musiques jouées au piano de façon plus minimalistes et intimistes. Peux-tu nous en dire plus sur ce choix artistique ? Est-ce venu naturellement ou est-ce quelque chose a déclenché cette envie ?

Oui, je pense pour plusieurs raisons. Premièrement, c’est peut-être une question de circonstances, dans la mesure où nous avons tous dû nous habituer à faire de la musique où que nous soyons pendant les diverses paralysies liées à la pandémie. Ces morceaux sont nés en janvier et février 2021, pendant une période qui était sombre, froide et assez difficile pour tout le monde, et je pense que cela a eu un impact sur la musique que je composais à l’époque. Je n’ai pas consciemment entrepris de faire un « projet de confinement » en tant que tel – comme le sont souvent nos efforts créatifs, ces titres sont plutôt le reflet de l’environnement dans lequel je vivais à l’époque, et comme vous le verrez, le lien qui existe par rapport à où et comment je crée est d’une grande importance pour moi.

Mon précédent album « Winnow » avait une portée beaucoup plus large, à la fois au niveau de la de taille du projet mais également d’un point de vue sonore, parce qu’il y avait six autres musiciens avec moi sur l’album. Bien que j’aime jouer, explorer et collaborer avec d’autres personnes, j’ai vraiment ressenti le désir de revenir à une forme de simplicité et au côté minimaliste de mes précédentes compositions. J’espère que les auditeurs pourront s’imaginer assis dans mon salon, à m’écouter jouer. C’est là que je travaille, là où je joue, écris et enregistre, et j’ai toujours essayé d’incorporer ce sentiment d’intimité à travers ma musique et mes disques. Ce n’est pas simplement de la musique que l’on écoute en arrière-plan ; c’est quelque chose de réel, authentique et qui vient du cœur.

3. Tu viens de sortir « Bewild », une ballade néoclassique intimiste, apaisante mais émouvante qui sera sur ton EP « Imprints » d’ici quelques jours. Avant de s’attarder plus en détail sur « Bewild », qu’est-ce qui a inspiré la composition de cet EP ?

Je pense que cette courte collection de quatre titres peut être décrite comme des instantanés d’un certain moment de ma vie, comme je l’ai décrit plus tôt – des moments fugaces. Le premier morceau, « Gleam », est un titre plutôt léger, rapide et enjoué qui fait référence à la manière dont la lumière illumine la pièce où je joue du piano ; « Ache », par contre, est un morceau plus sombre et mélancolique qui prend place progressivement, c’est une ode à la nostalgie que nous avons tous ressentie en cette période étrange. Les morceaux restants que sont « Bewild » et « Whist » ont d’autres connotations, et donc, même si je ne dirais pas qu’il y avait un thème précis qui se frayait un chemin à travers l’EP à proprement parler, j’ai senti que les morceaux une fois mis ensemble faisaient office de documentation musicale d’une période spécifique de ma vie créative, et que cela suffisait.

4. Le morceau lui-même est un morceau joué au piano, relativement court, à la fois apaisant et sentimental et qui oscille entre différentes émotions, allant de quelques notes de piano éparses à une série d’accords légèrement plus rapide, créant des variations tout en restant sous la barre des 2 minutes. J’interprète personnellement ce morceau comme la description de la manière dont nos pensées vont et viennent dans nos esprits, mais que signifie exactement ce titre pour toi ?

J’aime beaucoup ton interprétation et merci de la partager ! Je pense que tu as compris ce que j’essayais de transmettre dans ce titre. Sur le plan de la composition, la section principale se compose d’un intervalle descendant constant d’une 6e majeure dans l’accompagnement de la main gauche, descendant en cascade tout au long du titre. Ce n’est pas « bizarre » ou particulièrement expérimental, mais cela crée un sentiment d’ambiguïté, laissant de la place à une autre mélodie jouée de la main droite, qui danse, peut-être un peu plus que ce que je ne fais d’habitude. J’ai utilisé des rythmes et des phrases répétés pour, j’espère, créer un léger sentiment d’incertitude – comme un ensemble de pensées.

Le titre s’appelle « Bewild » car il vient du mot « bewildered » (déconcerté en français, ndlr) – il s’apparente au sentiment au début de cette année où tout était encore tellement incertain, nous ne savions toujours pas vraiment ce qui se passait, quand cela se terminerait, et on ne savait pas à quoi le monde allait ressembler quand on a traversé tout ça. Pour moi, c’était un peu comme se promener les yeux bandés, sans savoir où vont les choses, ni même comment elles vont se régler.

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5. Et j’adore la manière dont le titre a été enregistré, on peut même sentir les touches du piano s’enfoncer à mesure que tu joues ! Était-ce volontaire, d’ailleurs ? Comment as-tu enregistré ce morceau ?

Merci beaucoup, je suis très heureux que cela s’entende. Je suis conscient qu’entendre, expérimenter et être conscient de la mécanique à l’oeuvre dans le piano n’est pas donné à tout le monde, et certaines personnes ont même dit qu’elles trouvaient cela gênant. Ça me rend triste d’entendre ça, parce que, personnellement, je pense qu’il n’est pas facile de séparer la manière dont l’instrument crée le son du son lui-même. C’est un instrument tellement incroyable et polyvalent – chaque piano est différent, et j’aime la variété de sons, de textures et de timbres qu’ils peuvent créer, et je ne suis pas convaincu qu’il soit aussi intéressant, voire authentique, de n’écouter que le même type de son, un son de piano souvent aseptisé sur chaque enregistrement. Ça ne semble me pas correct.

J’ai utilisé une configuration de microphone assez spécifique car je voulais à la fois capter le son du piano lui-même, mais aussi celui du piano dans la pièce. Comme je l’ai mentionné plus tôt, l’intimité de l’enregistrement et du lieu dans lequel il s’est produit est très important pour moi, et s’assurer que tout ça est transmis dans sa globalité lors de l’enregistrement est vital. Je ne peux que remercier Andrew Glassford et Martyn Heyne pour leurs compétences respectives en matière de mixage et de mastering et qui ont rendu cela possible.

Je comprends pourquoi les gens peuvent trouver les bruits mécaniques du piano distrayants. Mais pour moi, la musique n’est pas composée pour que les gens l’écoutent seulement en arrière-plan (même si je sais que ce sera le cas, et ce n’est pas grave !) – elle est faite pour être écoutée et expérimentée telle qu’elle est !

6. « Bewild » occupe-t-il une place particulière dans la tracklist de l’EP ?

« Bewild » est le morceau le plus rythmé de l’EP. Une grande partie de ma musique comporte moins de mouvement et plus d’espace que ce titre, et j’ai trouvé qu’il était important de la placer en troisième position dans l’EP pour permettre à cette rafale de notes d’être vécue comme quelque chose de différent, peut-être même de surprenant, dans un ensemble d’autres compositions plus spacieuses et sinueuses.

Si je devais donner une explication en un mot pour chaque morceau de l’EP – au-delà des titres que je leur ai donnés – je dirais que ‘Gleam’ est léger, ‘Ache’ est sombre, ‘Bewild’ laisse perplexe, et ‘Whist’, le morceau final, incarne le silence.

7. Je sais que l’EP n’est pas encore sorti, mais est-ce que tu comptes le jouer sur scène ?

Absolument, et j’ai déjà pu joué certains des titres dans des concerts que j’ai pu donner jusqu’à présent. J’attends avec impatience l’année à venir, au cours de laquelle de nombreux autres spectacles et concerts pourront à nouveau se produire, et j’espère revenir en Europe au printemps 2022 et jouer à travers le Royaume-Uni.

8. Et voici une question que j’aime poser lorsque mes interviews touchent à leur fin : est-ce qu’il y a un.e artiste que tu suis de près en ce moment, et si oui pourquoi ?

Je vais peut-être avoir plusieurs réponses à donner pour cette question ! Il y a beaucoup de musique passionnante qui se crée au Royaume-Uni dans le domaine extrêmement vaste de la musique néoclassique.

Il y a une personne avec qui je travaille régulièrement qui s’appelle Josh Semans. C’est un producteur mais il joue aussi d’un instrument appelé les ondes Martenot, qui a un son tellement intéressant. J’ai hâte que les gens puissent entendre son prochain projet solo, et on travaille également sur quelque chose de nouveau ensemble.

Je recommande également fortement de suivre une autre artiste basée au Royaume-Uni, Alexandra Hamilton-Ayres. Elle utilises des sons et des textures si merveilleux dans sa musique, et je suis presque sûr que vous entendrez beaucoup parler d’elle dans les années à venir.

Allez jeter un oeil également à ce que font Ell Kendall et Benjamin Fitzgerald, deux artistes qui composent de la musique captivante pour de plus grands ensembles.


Simeon Walker est à retrouver sur toutes les plateformes de streaming. Vous pouvez également le suivre sur Instagram !

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About the Author: Cloé Gruhier

Rédactrice web depuis plusieurs années, j'ai une passion prononcée pour les musiques électroniques et alternatives. Des envolées synthétiques de Max Cooper aux mélodies et textes introspectifs de Banks, mon radar détecte les nouveautés des scènes indépendantes françaises et internationales, et ce entre deux stratégies de communication pour des labels et artistes indépendants !

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