Parfois, ce que l’on cherche n’existe pas, alors on le crée. C’est exactement dans cet état d’esprit que le label piano and coffee records est né ; depuis maintenant 5 ans, son fondateur, Sergio Díaz De Rojas, mène de front une quête pour le meilleur de la musique ambiante et néoclassique, une quête qui l’a amené à découvrir de nombreux talents à travers le monde, à oeuvrer main dans la main avec eux pour leur offrir de la visibilité, et ainsi devenir au fil des mois et des années une figure reconnue de la musique néoclassique indépendante à travers le monde. À l’occasion de la sortie de la compilation « Realismo Magico », nous sommes allés lui poser quelques questions afin de retracer son parcours en tant que gérant de label, et de directeur artistique de cette compilation !

piano and coffee records : un label indépendant qui oeuvre au développement de la musique néoclassique.

1. Hello Sergio ! Merci d’avoir accepté de répondre à nos questions ! Avant de parler label et musique, peux-tu te présenter en quelques mots ?

Salut Cloé ! Merci de me recevoir. Et bien sûr, je m’appelle Sergio Díaz De Rojas, je suis un compositeur et interprète péruvien qui essaie de vivre de sa musique pour pouvoir emménager dans une ville agréable avec ma partenaire et pour que l’on puisse élever un chat ensemble.

2. piano and coffee records est un label qui est actif depuis maintenant 5 ans, et qui est lentement devenu une maison de disques reconnue sur la scène néoclassique. Je sais que tu es toi-même compositeur, mais qu’est-ce qui t’as poussé à créer PnC ? Je sais que beaucoup d’artistes prennent cette décision, mais je suis toujours curieuse de savoir pourquoi. J’ai toujours vu ça comme une décision artistique forte que de vouloir monter son label.

En 2015, je vivais encore au Pérou. J’étais en train d’enregistrer et de sortir mon premier album, et j’ai non seulement eu du mal à trouver un moyen un minimum acceptable pour le produire, mais je me suis rendu compte qu’il était aussi pratiquement impossible de trouver quelqu’un qui souhaiterait soutenir mon travail. Même les professeurs de l’université dans laquelle j’étudiais alors la production et la composition musicale ne s’y intéressaient pas (à quelques exceptions près). À cette époque, abandonner et essayer de faire autre chose semblait être l’option la plus réaliste pour mon avenir mais c’était triste. Je ne pense pas que le manque de soutien et de ressources financières, ou même que quelque chose d’aussi aléatoire que le fait d’être né au mauvais endroit, devrait être une raison pour qu’un artiste, quel qu’il soit, décide d’arrêter de créer. C’est pourquoi, grâce au soutien d’un groupe de personnes formidables, j’ai décidé de créer une plateforme qui aiderait les artistes du monde entier à développer leurs projets. Parfois, tout ce dont on a besoin c’est d’un coup de main et c’est pour ça que PnC est là.

3. Comment se sont déroulés les premiers mois de PnC ? Avais-tu déjà en tête l’idée de faire des compilations, par exemple ?

Pas du tout ! Et les premiers mois étaient assez chaotiques, pour être honnête. J’ai démarré avec rien d’autre que le désir d’aider les artistes émergents à sortir de la bonne musique et de la musique porteuse de sens, donc ça été un processus continu d’apprentissage et de croissance. Au début, nous nous concentrions uniquement sur la sortie de disques physiques et ne distribuions pas sur les plateformes de streaming, par exemple. Nous n’avons pas non plus dans notre équipe à ce moment-là les incroyables graphistes qui travaillent maintenant avec nous !

4. Et, au fil des ans, PnC a fini par réunir des artistes du monde entier. Qu’est-ce qui te donne envie de signer un artiste, que ce soit pour un single ou un EP/album ?

S’il y a une connexion qui se crée avec l’artiste et que j’adore ce qu’il fait, alors nos portes sont toujours ouvertes.

Sorti également chez piano and coffee records : Adrien Casalis compose « Ghost », un EP et récit d’une histoire surnaturelle racontée au piano.

5. Et est-ce que PnC sort que de la musique néoclassique ou est-ce que tu as pensé à élargir la direction artistique un jour ?

Il n’a jamais vraiment été question de genre musical. Si nous n’avons pas travaillé avec d’autres types d’artistes, c’est parce que je pense qu’il n’y a pas grand-chose que je puisse faire pour eux. Je connaissais déjà assez bien la scène néo/contemporaine/classique – je connaissais les artistes, les labels, les blogs et les radios, et les salles de concert – donc c’était l’environnement idéal à occuper pour démarrer ce nouveau projet. Mais nous essayons toujours d’explorer de nouvelles voies, et à mesure que notre audience et que notre réseau grandit, on devient plus audacieux. Et je pense que cette première compilation en est la preuve.

6. Et je sais que PnC est plus qu’un label, c’est aussi une agence artistique. Est-ce que tu peux nous expliquer quelle est la différence principale entre l’agence et le label ?

Oui ! Nous proposons des solutions créatives aux artistes et aux maisons de disques sur la base d’un devis dont on a convenu. Nous nous occupons de la production de clips, de séances photo, de pochettes, de conception graphique de site web et de concerts, entre autres. Cependant, même si nous concevons ces projets avec le même amour et la même attention que ceux portés aux sorties du label, il s’agit davantage d’une relation entreprise-client.

7. Enfin, avant que l’on parle de la compilation « Realismo Magico », quel a été le plus gros succès du label ces 5 dernières années ?

Oh, c’est difficile à dire ! C’est tellement difficile de choisir… Mais concernant le label je dirais que c’est la sortie du premier album de Justina Jaruševičiūtė, « Silhouettes ». Ça été un grand succès ! Il a reçu plusieurs critiques élogieuses, a été présenté sur la page principale du site de Bandcamp, il s’est retrouvé dans plusieurs playlists éditoriales sur les plateformes de streaming et s’est vendu plus rapidement que toute autre sortie du label. Concernant PnC en tant qu’agence créative, je dirais que ce sont nos célébrations du Piano Day à Stokcholm (2019) et Amsterdam (2018). C’était magique que d’organiser ces spectacles intimistes et que de réunir des musiciens des plus novateurs de la scène classique néo/contemporaine/moderne. Ce qui a rendu la réussite de ces spectacles encore plus gratifiante, c’est que je les ai organisés depuis ma chambre au Pérou.

« Realismo Magico » : une compilation à la fois artistique et esthétique où la frontière entre le réel et l’imaginaire se brouille.

8. Avant de s’attarder sur quelques uns des titres de la compilation, je voulais évoquer son nom. Tu as déjà pu dire qu’il s’inspire d’un mouvement artistique, celui du réalisme magique. Peux-tu nous en dire plus sur ce qui t’a donné envie de choisir ce mouvement comme thème principal pour cette compilation ?

Pour ce projet, je voulais un thème intéressant et non conventionnel. En réfléchissant et en faisant des recherches, je me suis souvenu de deux livres que j’adore : « Bestiaire » de Julio Cortázar et « Chronique de l’oiseau à ressort » de Haruki Murakami, qui sont des exemples populaires de réalisme magique dans la littérature, et c’est à ce moment-là que j’ai pensé que le concept d’incorporation de l’étrange dans le réel, des éléments magiques et oniriques dans notre monde et notre quotidien pourraient être joliment représentés en musique.

9. Je sais que j’ai déjà posé cette question à Tim Linghaus il y a quelques semaines, mais as-tu guidé les artistes qui sont présents sur ce projet de compilation de quelque manière que ce soit ? As-tu eu besoin de guider certains artistes plus que d’autres pour que les sonorités globales de la compilation corresponde à ta vision ?

Pas vraiment. Je n’avais qu’à partager avec eux le thème de la compilation pour qu’ils comprenaient parfaitement ce que j’avais en tête. Ce projet a été vraiment facile à réaliser car nous avions un concept clair, et j’ai travaillé avec le groupe de musiciens le plus talentueux et le plus professionnel possible.

Pour en savoir plus : Avant-première : Tim Linghaus signe avec piano and coffee records le second single de la compilation « Realismo Magico » et nous le dévoile en exclusivité !

10. Et comment as-tu décidé de travailler avec ces artistes ? Est-ce que tu les connaissais déjà tous auparavant ou est-ce que des rencontres se sont produites au cours de la création de la compilation ?

Le choix des artistes sur ce projet a été assez long car je voulais trouver un équilibre sur plusieurs points. Je voulais un nombre similaire de compositeurs féminins et masculins, d’artistes émergents et établis, par exemple. Il était également pour moi important d’avoir des titres de longueurs différentes, avec des instruments et des styles différents aussi. Alors, compte tenu de tout cela, j’ai sélectionné les musiciens qui se retrouvent aujourd’hui sur le disque. Je les connaissais déjà tous, cependant ! Certains d’entre eux proviennent de quelques conversations sur Instagram et d’autres d’amitiés de longue date.

11. Attardons-nous sur quelques-uns des morceaux qui se trouvent sur « Realismo Magico ». Commençons par « Zosima » de Sjors Mans, qui vient juste après « Saturn Days » de Tim Linghaus, et qui se trouve côté musique ambiante. Quel rapport as-tu avec la musique ambiante, et en quoi est-ce que tu la rapproches de la musique néoclassique ?

Après trois ou quatre ans d’écoute quotidienne de musique jouée au piano, qu’elle ait été envoyée à notre blog comme à notre maison de disques, j’en ai eu extrêmement marre, d’autant plus que la plupart des titres que je recevais était assez prévisible et monotone. Heureusement, j’ai trouvé une forme de consolation dans la musique d’ambiance, qui est rapidement devenue comme un vent d’air frais. J’ai d’abord découvert des artistes comme Brian Eno, Grouper, Sara Davachi ou William Basinski, puis je suis tombé amoureux de compositeurs japonais de musique environnementale comme Haruomi Hosono ou Hiroshi Yoshimura. Aujourd’hui, c’est la musique qui accompagne ma vie et c’est celle qui influence le plus mes propres créations. J’aime vraiment quand la musique classique néo/contemporaine/moderne fusionne avec la musique ambiante d’une manière naturelle et innovante.

12. Je passe directement à « Speaking Of Explosive » de Martyna Basta, un morceau qui se démarque du reste notamment pour ses sonorités brutes et expérimentales. L’as-tu sollicitée spécifiquement parce que tu recherchais un tel morceau pour la compilation, ou est-ce qu’elle délibérément choisi de composer ainsi ?

Je l’ai contactée spécifiquement en raison du type d’œuvres qu’elle compose ! Sa musique est incroyable et elle me rappelle beaucoup Felicia Atkinson, l’une de mes artistes expérimentales préférées.

13. Enfin, je termine sur le titre Ella Zweitnig « You Went Through Me, Truly », qui est l’un des très rares morceaux de la compilation à comporter des extraits de voix. Y a-t-il une histoire particulière derrière ce morceau ? Il est très léger et différent du reste et le nom du morceau est une histoire à part entière !

Oh, oui, je l’ai aussi contactée parce que j’étais sûr qu’elle apporterait quelque chose de complètement différent des autres. Et oui! Ella m’a dit que « You Went Through Me, Truly » était à l’origine le nom d’un « paysage sonore » qu’elle a créé il y a quelques années après un bel été qu’elle a passé dans le sud de l’Autriche à faire de la randonnée, de la natation et des glissades dans les lacs. Mais la vie continue, et cette dernière année l’a vraiment traversée d’une manière qu’elle n’aurait même pas pu anticiper, et c’est pourquoi elle a décidé d’adopter le titre.

14. Je sais que tu viens à peine de célébrer les 5 ans de PnC, mais à quoi peut-on s’attendre dans les mois à venir, niveau sortie de disques ?

Nous avons divers projets prévus pour le reste de l’année ainsi que pour le premier semestre de 2022. Nous allons sortir le troisième album du mystérieux Plïnkï Plønkï, un EP d’orgue fascinant du compositeur français Casual Melancholia, le premier de trois volumes inspirés par le « Well Tempered Clavier » de Bach par le Trio Ramberget, et plus encore ! Avec un peu de chance, j’aurai assez d’énergie pour commencer à planifier notre prochaine compilation et quelques concerts.

15. Enfin, il y a une question que j’aime poser lorsque mes interviews touchent à leur fin : y a-t-il un artiste que tu suis de près en ce moment ?

Je suis de près les travaux de Sarah Neutkens, Olec Mün, Martyna Basta, Casual Melancholia et Justina Jaruševičiūtė, pour n’en nommer que quelques-uns. Merci encore une fois pour cette interview et pour le soutien récent que hauméa a apporté à PnC. Cela signifie beaucoup pour nous !


Vous pouvez retrouver piano and coffee records sur les plateformes de streaming, sur Bandcamp ainsi que sur Instagram ! Leur profil Spotify est également rempli de playlists dans lesquelles vous pourrez faire de belles découvertes !

Vous avez apprécié cet article ?

Faites un don pour nous soutenir !

About the Author: Cloé Gruhier

Rédactrice web depuis plusieurs années, j'ai une passion prononcée pour les musiques électroniques et alternatives. Des envolées synthétiques de Max Cooper aux mélodies et textes introspectifs de Banks, mon radar détecte les nouveautés des scènes indépendantes françaises et internationales, et ce entre deux stratégies de communication pour des labels et artistes indépendants !

Vous lisez cet article sur votre téléphone ?

App Store application hauméa magazine
Google Play hauméa magazine hauméa application