Almeeva : un producteur de musique électronique qui propose à son audience une house syncopée, tantôt instrumentale, tantôt accompagnée de voix de chanteur.euse.s divers.e.s et varié.e.s. Et bien que l’on pourrait croire qu’il soit resté loin de la scène depuis la sortie de son EP « Unset » en 2017, il n’en est rien : Almeeva collabore en effet avec plusieurs autres projets musicaux – notamment Kabbel, son alter ego pop – faisant de lui un artiste prolifique sur tous les fronts. Que ce projet lui ait servi d’exutoire ou qu’il ait au contraire renfloué son inspiration, une chose est sûre : la diversité de ce nouvel EP, intitulé « To All My Friends » et sorti il y a quelques jours, laisse transparaître les changements de vie que l’artiste a vécu, à commencer par un déménagement en Suède. À l’occasion de cette sortie, nous sommes allés lui poser quelques questions !

1. Hello Almeeva ! Merci d’avoir accepté de répondre à nos questions aujourd’hui ! Avant de commencer, peux-tu te présenter en quelques mots pour ceux qui ne te connaîtraient pas encore ?

Hello ! Je m’appelle Greg, et depuis une dizaine d’années je tente d’apporter avec Almeeva un peu d’espoir et de cinématographie avec ma « Dance Music pour rêveurs ». À côté, je joue dans plusieurs groupes, que vous avez peut-être vus passer dans une cave moite près de chez vous. J’aide également d’autres artistes à transformer leurs rêves de chansons en réalité.

2. Tu as démarré ta carrière en tant qu’Almeeva avec plusieurs EPs ; avant ta dernière sortie, tu présentais en 2017 un EP nommé « Unset » et qui a connu un grand succès sur les plateformes. Si on met cet EP en perspective avec ta récente sortie « To All My Friends » dont on parlera dans un instant, « Unset » était plus sombre. Qu’est-ce qui a inspiré cet EP ?

Entre ces 2 sorties, il y a 4 ans de travail vertigineux sur un album, qui m’a fait perdre pied, à tous les niveaux. Cet EP est en grande partie une réponse à cette période tourmentée.  C’était une sorte d’antidote, pour retrouver de la joie et du plaisir dans la simplicité, et ne plus se perdre dans des ambitions trop grandes pour moi.

3. Et d’une manière plus générale, qu’est-ce qui t’inspire au quotidien lorsque tu composes ?

Désormais j’essaye d’être le plus ouvert possible à tout ce qui se présente, et ne pas filtrer tout ce qui peut potentiellement m’inspirer, peu importe la source ou la situation, tant que cela me « touche ». Difficile d’en tirer une quelconque généralité du coup (rires). Cela peut être une rencontre, une oeuvre vue dans une expo, un film, un morceau entendu dans une soirée, un sentiment qui surgit en visitant un lieu…

4. Enfin, avant d’aborder en détail ton nouvel EP, j’ai cru comprendre que ta vie a été mouvementée ces derniers mois : tu as déménagé en Suède et tu t’es associé avec un producteur – que je vais te laisser présenter – pour monter ton propre studio. Qu’est-ce qui a fait que tu as choisi la Suède, et d’où est venue cette envie de monter ton studio ?

Le choix de la Suède s’est fait par amour : mon compagnon y a trouvé du travail, et je l’ai tout simplement suivi.  Mais pour être honnête, la vie en Suède est très agréable, donc la transition avec Paris a été douce. Puis j’ai eu la chance de rencontrer un producteur très talentueux que je suivais depuis des années, qui s’appelle Christoffer Berg. Il y a travaillé notamment avec The Knife, Fever Ray, Depeche Mode et Robyn… aujourd’hui c’est devenu un ami proche, avec qui je partage un studio rempli de machines incroyables. Sa confiance et son aide sur ma musique m’a clairement redonné la foi, à un moment où je me sentais vraiment seul. La plupart des morceaux de cet EP sont nés dans ce studio, avec l’envie et la naiveté du débutant qui ne sait pas encore très bien se servir de nouveaux jouets. C’est quelque chose que je n’avais pas ressenti depuis très longtemps. Cela m’a fait réaliser l’importance de conserver une certaine spontanéité, chose assez dure avec la musique électronique. Et d’autant plus quand tu travailles seul. J’essaye de cultiver ces moments de « création spontanée » et d’accidents depuis, plutôt que d’essayer de tout perfectionner dès le début.

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5. Il y a quelques mois, tu dévoilais ton nouvel EP avec le titre « Ever Out Weatherall » ; c’est le titre le plus long de l’EP, on y retrouve, en plus des percussions caractéristiques de tes titres, une superposition d’instruments et de boucles électroniques qui viennent former une montée intense, mêlant aussi bien l’énergie des titres punk au meilleur de l’électronique club. Tu dédies ce titre à feu Andrew Weatherall : as-tu composé ce titre « en réaction » à l’annonce de sa mort ? Ou est-ce que tu l’avais composé auparavant ?

C’est un titre qui était presque finalisé avant sa mort, auquel je tenais beaucoup, mais qui n’avait jamais pu sortir. Je lui ai effectivement dédié en réaction, en me replongeant dans toute son oeuvre, et plus particulièrement l’album de The Asphodells que je trouve fabuleux. C’était une façon de me donner du courage pour aller au bout de ma vision, et ne plus essayer de faire plaisir à personne. C’est pour lui dire « merci de m’avoir tenu la main ».

6. Ce titre s’accompagne d’ailleurs d’un clip qui t’as permis de présenter les dessous d’une tournée particulière que tu as pu donner en Chine. Pourquoi avoir associé ces images à ce titre ?

J’ai joué ce titre en live sous différentes formes depuis 4 ans, et il était donc présent sur cette tournée. La structure du morceau est très narrative, on passe d’une ambiance à une autre, sans savoir trop où on va, mais quand on s’est adapté au nouveau « lieu », on arrive à s’y amuser. C’est exactement le ressenti que j’ai eu durant cette tournée : ne pas trop savoir où on est ni pourquoi on est là, mais finir par trouver son rôle dans ces différentes situations, et y prendre goût.  C’est une sorte d’invitation à la perdition, parfois se plonger dans le mystère offre des aventures inoubliables.

« To all my friends,
I wanna dance with you »
– Almeeva – « To All My Friends »

7. Un autre titre qui s’accompagne d’un clip : c’est « To All My Friends », qui donne d’ailleurs son nom à l’EP. C’est le deuxième titre (et premier EP de surcroît) que tu dédies à quelqu’un, et ici en l’occurrence à tes amis. Quel message souhaitais-tu faire passer au travers de ce titre ?

C’est avant tout une façon d’être honnête, de prouver qu’on peut faire une musique réellement sincère sans rien y perdre. Il y a un double sens, car si le morceau est dédié à mes « vrais » amis, l’idée de nommer tout l’EP de cette façon me semblait une bonne façon de résumer le fantasme de la musique électronique en général : quel est le but ultime de toute « dance music », sinon que de se rassembler pour ressentir un peu d’euphorie ? Donc « To All My Friends » est aussi dédié aux amis que je ne connais pas encore, et que j’espère rencontrer sur la route, dans une salle de concert ou dans un club.

8. Ceci dit, le titre qui m’a certainement le plus marqué dans l’EP est celui qui le clôt : le rêveur « Slowly Fading ». Son côté arythmique de l’introduction captive et intrigue, et lorsque la voix aérienne de Pencey Sloe rentre en jeu, on semble replonger dans l’univers de tes premières sorties. J’imagine que ce titre occupe une place de choix dans la tracklist de l’EP : peux-tu nous en dire plus sur l’histoire de ce titre ?

Merci, c’est un titre très important pour moi ! Cela fait des années que nous collaborons avec Diane sur plusieurs titres, qu’on pourrait qualifier de « fantômes », car pas tous rescapés du chantier de l’album pour le moment… Ce que Diane chante sur « Slowly Fading » appartenait à la base à un autre morceau, qui a lui même énormément changé depuis ses prises de chant. Je n’ai au final rien gardé de cet ancien titre, à part sa voix que je trouvais magnifique. Tout le morceau a été crée dans le studio de Christoffer, et on peut d’ailleurs nous entendre « jammer » ensemble dessus, alors qu’il essayait de me montrer comment fonctionnait son synthé modulaire (pour être honnête, j’ai toujours pas vraiment compris hahaha). C’est un morceau qui me fait réellement du bien quand je l’écoute, et je crois que c’est la première fois que je peux dire cela d’un de mes propres morceaux.

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9. Ce que les gens ne savent parfois pas, c’est qu’en parallèle de ton projet Almeeva, tu produis également sur un projet nommé Kabbel – peux-tu nous en dire un peu plus sur ce projet ?

Kabbel c’est un peu mon jumeau maléfique, qui vit son rêve de dark pop loin de la lumière, la tête dans un strobe et une machine à fumée. C’est un projet où je peux me concentrer sur le chant, pas juste comme un instrument mais réellement comme un chanteur, et explorer des esthétiques plus extrêmes qu’avec Almeeva. C’est une façon de renouer avec mon passé de rock indé/hardcore, en lui donnant une couleur plus moderne. Et cela me permet surtout d’être moins schizophrène avec Almeeva, en séparant les 2 personnages, pour leur donner chacun plus de force, plutôt que d’essayer de les calmer dans un sens ou dans l’autre.

10. Est-ce que tu comptes évoluer sous ce nom encore un peu, maintenant que tu as relancé la machine « Almeeva » ?

Oui bien sûr, les 2 vont continuer en parallèle. J’ai déjà beaucoup de morceaux pour la prochaine sortie Kabbel, et j’ai la chance d’avoir une équipe qui m’aide pour de futurs concerts.

11. Maintenant que « To All My Friends » est sorti, à quoi peut-on s’attendre de ta part ? Des concerts ? Des remixes peut-être ?

Il y a effectivement des remixs en projet ! Peut-être aussi un nouveau clip. Mais tout cela dépend d’autres personnes, et je ne veux rien leur imposer, il faut que ça reste un plaisir pour tout le monde, donc nous verrons bien. En ce moment je finalise un EP en collaboration avec le groupe Toucan, qui devrait sortir en début d’année prochaine, suivi d’une petite tournée commune en France. Ce sera réellement « Almeeva & Friends » pour le coup !

12. Et comme notre interview touche à sa fin, j’en profite pour te poser une dernière question : est-ce qu’il y a un.e artiste que tu suis de près en ce moment, et si oui pourquoi ?

Mon dernier coup de coeur est un duo Italo-Belge qui s’appelle Front De Cadeaux. Déjà, incroyable nom. Ils font ce qu’on pourrait appeler de la « slow rave », c’est très deep, très lent, très dark et très hypnotique. Cela faisait longtemps que je n’avais pas découvert un son aussi irrésistible. Je ne suis pas capable de mettre de mots précis dessus, mais tout ce qu’ils font me parle énormément. Je conseille de commencer avec les 3 mixtapes « Supreme Rallentato », et l’EP de remixs « Fabrizio Mammarella Reworks ».


Almeeva est à retrouver sur toutes les plateformes de streaming. Vous pouvez également le suivre sur Instagram !

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About the Author: Cloé Gruhier

Rédactrice web depuis plusieurs années, j'ai une passion prononcée pour les musiques électroniques et alternatives. Des envolées synthétiques de Max Cooper aux mélodies et textes introspectifs de Banks, mon radar détecte les nouveautés des scènes indépendantes françaises et internationales, et ce entre deux stratégies de communication pour des labels et artistes indépendants !

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