Le Maghreb, une terre infinie d’explorations musicales. Parmi les artistes de cette scène florissante et qui défend les diverses cultures qui l’animent, il y a Ikram Bouloum, la première artiste à avoir été signée sur So Urgent, le label de l’artiste barcelonais MANS O. Originaire du Maroc, Ikram Bouloum est très inspirée par la culture et la musique traditionnelle marocaine ; elle produit cependant une musique à l’avant-garde d’une pop expérimentale dont les contours et les codes n’ont pas encore été totalement définis, et dont le message se veut porteur de sens. Elle avait marqué les esprits avec son premier single intitulé « Ineia », et vendredi dernier, elle sortait « Ha-bb5 », son premier EP – un EP placé sous le signe de la quête de soi, de la recherche de son identité ou encore du clash des cultures. En écoute ci-dessous.

Cela n’échappe à personne, un EP comme un album fait l’objet d’une construction précise ; la tracklist est souvent comparable aux chapitres d’un roman. Dans ce cas précis, Ikram Bouloum reprend la structure d’une oeuvre théâtrale en plusieurs actes, et raconte l’histoire d’une créature imaginaire se débattant dans un monde dans lequel des obstacles comme les normes établies font rage. Par dessus cela, pour la première fois, l’artiste s’exprime dans sa langue natale : l’Amazigh, un dialecte du Nord du Maroc ; loin d’elle la volonté de brouiller le message lancé à tous ses auditeurs, tous ses titres ont été traduits en anglais dans des lyrics video d’une esthétique surréaliste sans pareille. Une manière subtile de renforcer la mise en avant de sa culture au travers de sa musique, tout en la rendant accessible à tous.

« I was resting in a haven of peace
And now, all is gone, all is lost »
– Ikram Bouloum – Henna (traduit)

« Ha-bb5 » démarre sur les notes mi-traditionnelles mi-futuristes de « Henna » ; un titre qui annonce le fil rouge de l’histoire que l’artiste s’apprête à nous raconter à travers l’EP. Dès les premières phrases les frissons s’imposent, des frissons déclenchés par le désespoir dépeint dans les paroles : le monde dans lequel la créature qu’Ikram Bouloum décrit s’effondre, son havre de paix autrefois idyllique tombe en ruines. Les larmes d’une figure maternelle sont également présentes, accentuant l’imagerie quasi apocalyptique que l’artiste décrit sur une mélodie au rythme millimétré.

Similaire à Ikram Bouloum : On a discuté avec Makichi, duo franco-iranien qui a vécu les restrictions iraniennes imposées sur la culture.

On plonge ensuite dans les variations plus électriques de « Meime », un titre qui signifie « maybe », « peut-être » – le titre, en prenant des airs mélodiques plus ambiants que son prédécesseur, nous impose l’écoute d’une quasi-invective lancée à un être à qui elle pose des questions. Ces questions font état de doutes, de désillusions ; un véritable questionnement intérieur s’opère sous nos yeux alors que deux machines perdues au milieu d’un champ de fleurs digitales clignotent au rythme des percussions du titre.

Une fois ce second acte passé, on a l’occasion de réécouter « Ineia », le single qui a inauguré l’ouverture du label So Urgent. « Ineia » (« Tell Me », « Dis-moi ») est un condensé de toute l’esthétique sonore d’Ikram Bouloum ; le titre se veut à la fois dansant, sombre, imbibé de sonorités arabes et de vocalises orientales : une signature musicale qui n’a pour but que d’envoûter son auditeur. Si jusqu’à présent les paroles se faisaient explicites, sur « Ineia », ce sont des bribes de questions, d’appel à l’aide et au pardon qui ponctuent une mélodie rétro futuriste à faire danser les foules. Ikram Bouloum aime jouer avec les contrastes et cela se ressent.

« My mind had to endure
All that was prewritten
All that was predestined »

– Ikram Bouloum – The Game (traduit)

Enfin, après avoir écouté le serment d’allégeance qu’est « Nhara » (« Today », « Aujourd’hui ») , c’est le symbolique « The Game » qui nous arrête dans notre course ; Ikram Bouloum clôt en effet l’EP sur un hymne à la défiance d’un système préétabli, une ode à la confiance et à la connaissance de soi, le tout sur fond de marche militaire du futur.

En bref, Ikram Bouloum est une artiste complète dont la vision artistique est limpide, et nous savons d’ores et déjà que « Ha-bb5 » n’est que l’entrée en matière de l’artiste sur la scène pop avant-garde, ce qui en dit très long sur ce qu’on peut attendre des prochaines sorties de l’artiste. À suivre de très (très) près !

Pour aller plus loin : hauméa playlists | #5 : au coeur des musiques arabes & arabisantes.


Ikram Bouloum est à retrouver sur toutes les plateformes de streaming. Vous pouvez également la suivre sur Instagram !

Vous avez apprécié cet article ?

Faites un don pour nous soutenir !

About the Author: Cloé Gruhier

Rédactrice web depuis plusieurs années, j'ai une passion prononcée pour les musiques électroniques et alternatives. Des envolées synthétiques de Max Cooper aux mélodies et textes introspectifs de Banks, mon radar détecte les nouveautés des scènes indépendantes françaises et internationales, et ce entre deux stratégies de communication pour des labels et artistes indépendants !

Vous lisez cet article sur votre téléphone ?

App Store application hauméa magazine
Google Play hauméa magazine hauméa application